L' Université Foraine

A Rennes
A l'instigation de Patrick Bouchain

http://universite-foraine.fr
ufo@universiteforaine.fr
Le Théâtre Dromesko est un des partenaires fondateurs du projet de l'Université Foraine à Rennes.

La Commande


L’Université Foraine se propose d’intervenir à Rennes sur des sites inoccupés, sans programme prédéfini, et de faire émerger un projet par la participation, l’ouverture au public, en travaillant sur l’appropriation. Rassemblant des savoirs académiques, abstraits, et des savoirs concrets, des savoir-faire, des professionnels reconnus et des usagers potentiels, elle souhaite conduire une démarche expérimentale et innovante en vue d’une occupation éphémère, limitée dans le temps, du site « Moulin d’Apigné » situé en périphérie dans un environnement naturel, et du bâtiment « Pasteur », ancien équipement universitaire en plein centre-ville.

Mémoire des lieux, mémoire des plantes, mémoire des Hommes. Rencontre de l'Université aux étang de Bougrière


L'UNIVERSITÉ FORAINE PAR GEORGES GUITTON

«À la fin tu es las de ce monde ancien ». Le vers de Guillaume Apollinaire
surgit à-propos dans mon rêve à l’instant où je me demande comment
exprimer mon intérêt pour l’Université foraine. Eh bien voilà la réponse! Fatigue démocratique, épuisement des formules du mieux vivre, grippage du faire ensemble, déficit du collectif, on a tout essayé en vain. On n’attend pas le
messie, au moins une idée qui rompe avec le convenu, qui nous entraîne vers
un inconnu prometteur, qui réinvente des rapports sociaux.

Patrick Bouchain arrive à point nommé. Son Université foraine dite « UFO »
débarque à Rennes tel un objet planant non identifi é. À l’automne 2012, lors
d’une mémorable conférence devant les gradins de VivaCités, Patrick Bouchain révèle ce qui se cache derrière le mystérieux oxymore d’Université foraine, cet attelage de fac et de foire, de savoir et de joie. Le propos inaugural fait voleter au-dessus des têtes une théorie de la douceur, l’espoir d’un salut qui, pour une fois, viendrait d’en bas.

« On veut travailler sur le non-programme. Regardez, est-ce que l’amour est 
programmé ? ». On jubile. Deux lieux sont « off erts » par la Ville pour tenter cet inédit. La fac Pasteur et le moulin d’Apigné, sites inoccupés, sans aff ectation prévue. Ce jour-là on s’enchante des aimables vœux : « assistance sociale sans assistance », « appropriation intellectuelle et manuelle », (tous deux sur le même plan), « chantier républicain », partir non « de ce l’on va faire, mais de ce que l’on veut faire » ; «analyser Pasteur et en trouver l’usage », surtout pas d’« usine à gaz » ni de « frais supplémentaires » ; « aventure constructive », réhabilitation de l’ « hospitalité »...

À ce stade, les cartésiens s’offusquent du manque de précision. Que va-t-on 
faire à la fac Pasteur et à Apigné ? Comment admettre que le non-programme
fasse partie du jeu, soit la condition de la réussite. Qu’à la place d’un
programme, on vante un processus ouvert à qui le veut. Heureusement, face au scepticisme, en cette fin 2012, un argument de poids s’interpose. A savoir que l’UFO ne part pas de rien. Elle possède une généalogie, des références. Depuis des décennies, Patrick Bouchain et son équipe du NAC (Notre atelier commun) ont accumulé une foule d’expériences dans les lieux et contextes les plus divers. Ils ont testé, tâtonné, bricolé, appris, engrangé, à Boulogne-sur-Mer, à Saint- Denis, à Calais, à Bègles et... à Saint-Jacques de la Lande avec le campement Dromesko.

Rassurés, quelques dizaines de Rennais s’embarquent dans l’UFO comme on
se jette dans un inconnu incertain mais prometteur. Tout au long de l’année
ils apprennent à se connaître, à témoigner, à s’écouter, au fi l de rencontres
où chacun en quelque sorte apporte son manger, selon sa spécialité qu’il soit
professionnel ou simple curieux (chercheur, acteur social, sportif, étudiant).

Journées d’étude sur les « plaisirs et malheurs du corps », débat sur les « arts 
politiques », session sur « mémoire des hommes, mémoire des lieux, mémoire
des plantes ». Il y a un peu de bric-à-brac, mais peu à peu, au gré des dialogues,un processus s’enclenche, des contours se dessinent, une communauté s’esquisse. En maître de cérémonie, Patrick Bouchain trie ces fragments, reformule les envies disparates. Au bout de quelques mois, on cerne mieux le sujet : à Pasteur c’est la même chose qu’à Apigné, on fera quelque chose autour de la santé,du corps, de la bouche, reprendre soin les uns des autres.

Dans cette aventure, ce qui hante la pensée et l’imagination, ce sont les lieux. Quelle émotion le 23 mai, quand les étages de la vieille faculté des sciences se révèlent au public. Depuis quelques semaines, des étudiants se sont « appropriés » les salles vides. Révélation, on ressent un magnétisme propre
aux lieux, issu de leur histoire singulière. Ici c’est le fantôme des savants jadis penchés sur ces paillasses orphelines, animés par le souci d’un monde amélioré. L’UFO à sa manière perpétue le désir d’avenir, plongeant sa sonde dans le passé du bâtiment pour le propulser dans l’espace des possibles. Même émotion à la mi-juillet pour les randonneurs qui ont descendu la Vilaine de Pasteur à Apigné, quand les coups de boutoir font céder la porte murée du moulin, laissant béer un trou noir, ce vide en quête de sens, que l’UFO remplira un jour. Un lieu où l’on apprend, où l’on transmet, où l’on fait.

Il y a plein de raisons de croire à l’Université foraine. Le processus est mûr.
On le sent à deux pas d’aboutir au concret, à une occupation ephémère et renouvelable. A deux doigts d’off rir enfi n cet « espace public joyeux et partagé » que chacun appelle de ses vœux. Les acteurs de l’UFO sont en position de pionnier : inventer du neuf dans le champ de la ville et du sociétal. Rennes affiche déjà une belle collection d’innovation sociale. N’est-ce pas ici que l’on sut inventer ou améliorer les foyers de jeunes travailleurs, les « mètres carrés sociaux », les cafés-mémoires, l’habitat intergénérationnel et tant d’autres trouvailles inscrites dans le paysage. Comme le sera, espère-t-on, l’Université foraine.




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